Dissonance

 

Yvonne Loriod

1924 - 2010

Jérémie Wenger

 

La destinée d’Yvonne Loriod, née le 20 janvier 1924 à Houilles (Yvelines), est indissociable de celled u compositeur Olivier Messiaen (1908-1992), dont elle fut la muse et la seconde épouse.  Celuici, marié à la violoniste Claire Delbos, ne l’épousera qu’en 1961, deux ans après la mort de sa première femme. Admise il y a trois ans dans une maison de retraite de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) à la suite d’un coma diabétique, elle s’est éteinte le 17 mai 2010.

 

Enfant prodige, elle est remarquée très jeune et, adolescente, la pianiste maîtrise déjà tout Chopin, les concertos de Mozart et les 32 sonates de Beethoven. Elle reçoit l’enseignement de Lazare Lévy (piano), Marcel Ciampi, Darius Milhaud (composition) et Olivier Messiaen (analyse) au conservatoire de Paris en même temps que Pierre Boulez, et finit ses études avec sept Premiers Prix.

 

Déjà à partir des Visions de l’amen (1943), qui datent de cette époque, elle créera toutes les oeuvres avec piano de Messiaen. Mais, bien sûr, ce n’est qu’une partie de son très large répertoire pianistique : Yvonne Loriod enregistre Mozart, Debussy, Albeniz, Berg pour de nombreux labels (Vega, Erato, Ades...), et offre les premières auditions de pièces de Pierre Boulez, André Jolivet et Jean Barraqué. Le public français peut découvrir grâce à elle des oeuvres de Bartók et Schönberg.

 

En plus de son activité de pianiste, elle s’occupe activement à diffuser l’oeuvre de son mari dans le monde entier, tenant bien souvent la partie de piano, comme dans la fameuse Turangalîla Symphonie, au côté de sa soeur, Jeanne Loriod, ondiste de renommée également internationale,  décédée en 2001. Sa soeur Jacqueline, elle, lui survit.

 

Ayant renoncé à la composition (trois pièces de sa main seulement nous sont connues), elle demeure une présence, néanmoins, au côté du compositeur et jusque dans sa musique même :  de par ses capacités fabuleuses, elle offrit à l’écriture de Messiaen une liberté totale d’écriture et  une profonde inspiration, qu’on ne peut pas ne pas entendre, par exemple dans les Vingt regards sur l’Enfant-Jésus. À titre d’exemple, on citera le travail titanesque de réduction pour deux pianos de l’opéra de Saint François d’Assise, l’orchestration de son Concert à quatre et les corrections, au fil  des années, nécessaires aux épreuves de ses pièces.

 

Yvonne Loriod, c’est également le nom d’une des grandes pédagogues du siècle passé, à la  Staatliche Hochschule für Musik de Karlsruhe, dès 1958, et au Conservatoire national supérieur de Paris de 1967 à 1989, mais également partout en Europe et en Amérique. Inlassablement, elle  transmettra à ces étudiants l’amour de la musique de Messiaen (on citera parmi eux Pierre- Laurent Aimard, Michel Béroff et Roger Muraro). Son engagement pour la musique contemporaine  la mène également aux cours d’été de musique contemporaine de Darmstadt, où nombre  d’oeuvres marquantes de notre temps ont vu le jour.

 

Aujourd’hui, elle repose auprès de son époux, non loin du lac de Petichet à Saint-Théoffrey, dans  les montagnes du Dauphiné, région que le couple appréciait au plus haut point.


by moxi